Plus méconnu que le burn out ou encore que le bore out, le brown out se distingue depuis plusieurs années comme une nouvelle forme pathologique d’épuisement professionnel. Sa cause principale ? La perte de sens au travail, un phénomène rampant déjà reconnu par 55% des salariés en 2017 selon une étude Deloitte.
Comment reconnaître le bore out et que faire pour s’en sortir ? Nous vous apportons notre éclairage sur ce nouveau fléau pour l’entreprise à l’ère de la Grande Démission et des bullshit jobs.
Burn out, bore out, brown out : comment les distinguer ?
Il est vrai qu’il y a de quoi se mélanger les pinceaux entre ces différents syndromes ! S’ils ne sont pas classés en tant que maladies professionnelles à part entière par la Haute Autorité de Santé, ils sont cependant bel et bien reconnus en tant que risques psychosociaux. Plus que leurs symptômes qui sont relativement similaires, ce sont surtout leurs déclencheurs qui permettent de mieux les distinguer. À noter également qu’ils peuvent être perméables, c’est-à-dire se recouper. Une personne peut ainsi se sentir à la fois en brown out et en bore out par exemple. L’ennui peut en effet naturellement donner lieu à une perte de sens dans son travail. Mais faisons le point sans plus attendre sur les principales caractéristiques de ces 3 troubles de plus en plus répandus.
Le burn out, le décrochage par surcharge de travail
Surement le plus connu des trois syndromes, le burn out est un épuisement professionnel par surcharge de travail et surinvestissement du salarié. Cette expression vient de l’anglais « to burn out » qui signifie « s’épuiser ». Il se caractérise par une intense fatigue physique et psychique, et fait référence à un stress chronique chez le salarié.
Le bore out, une démotivation à la suite d’un ennui chronique
Le bore out diffère du burn out dans le sens ou cette fois, c’est la sous-charge de travail et un ennui chronique qui plonge le salarié dans un état d’épuisement pathologique. À la différence du burn out qui tend à se manifester violemment et en crise chez le salarié, le phénomène du bore out est plus insidieux et s’installe progressivement sans réel pic. Il plonge alors lentement le salarié dans un état qui peut aller jusqu’à la dépression.
Le brown out, une perte de sens dans sa vie professionnelle
L’expression brown out, moins transparente que les deux précédentes pour les francophones, fait référence en anglais à une baisse de tension des appareils électriques pour éviter la surchauffe. Si l’on retranscrit ce phénomène pour les humains, on parle d’une baisse du niveau d’engagement du salarié, due à une perte de sens dans son travail. Pour éviter de « péter les plombs », l’idée est donc pour le collaborateur de se mettre en veilleuse, de démissionner mentalement, et par voie de conséquence, de ne plus vraiment se préoccuper de la qualité du travail fourni. Il s’agit ainsi d’une sorte de mécanisme de défense qui peut d’ailleurs parfois intervenir pour éviter un burn out.
Quelles sont les causes du Brown out ?
Puisque les causes du brown out sont celles qui le distinguent le mieux des autres syndromes d’épuisement professionnels, ce sont celles qui nous permettront le mieux de comprendre le phénomène. Penchons-nous donc sans plus tarder plus en détail sur ces dernières.
Brown out et bullshit jobs, 2 concepts étroitement liés
Vous l’aurez compris, à la racine du syndrome du brown out se niche une dissonance éthique entre une besoin de sens dans son travail et la réalité d’un quotidien professionnel qui ne comble pas cette attente. Un constat intimement lié à la notion de « bullshit job » ou « métier à la con » en VF. Cette expression qui peut prêter à sourire décrit pourtant un phénomène on ne peut plus sérieux, introduit par l’anthropologue David Graeber en 2013 dans un article dédié. Selon lui, les bullshit jobs sont de plus en plus répandus, et peuvent se définir comme des postes inutiles, dénués de réel intérêt pour la société, mais qui permettent malgré tout de maintenir de l’emploi.
David Graeber, Anthropologue.
« Un ‘bullshit job’ est une forme de travail rémunéré qui est si inutile, dispensable ou nuisible que même l’entreprise ou l’employé ne peut justifier son existence, même si elle ou il se sent obligé de prétendre que ce n’est pas le cas »
Les bullshit jobs étant par définition dénués de sens, on comprend alors mieux comment ils peuvent être à l’origine du syndrome du brown out. Il est alors important de bien faire le distinguo entre « mauvais job » et « bullshit jobs ». Les « mauvais » emplois sont en effet souvent considérés comme tels car très difficiles et potentiellement peu rémunérateurs comparé à l’effort demandé. Ils sont pourtant généralement utiles et très prenants, et peuvent donc être à l’origine d’un burn out. A l’inverse, les bullshit jobs offrent une situation relativement confortable. Cependant, ils sont fondamentalement inutiles, voir nuisibles au bon fonctionnement de la société pour reprendre le terme de Graeber.
Des métiers potentiellement plus à risques que d’autres
Dans une récente étude sur la perte de sens du travail, la DARES dévoile une liste des métiers à plus faible sens pour leurs salariés. Ces derniers semblent donc logiquement plus propices au brown out.
Les 15 métiers à plus faible sens du travail selon la DARES
- Employés de la banque et des assurances
- ONQ (ouvriers non qualifiés) de la manutention
- ONQ des industries de process
- Caissiers, employés de libre-service
- Employés de la comptabilité
- Agents de gardiennage et de sécurité
- OQ (ouvriers qualifiés) de la mécanique
- OQ des travaux publics
- Cadres de la banque et des assurances
- OQ des industries de process
- Vendeurs
- ONQ du gros œuvre du BTP
- OQ de la manutention
- Secrétaires de direction
- Employés et agents de maîtrise de l’hôtellerie et de la restauration
À noter que cette liste de métiers ne se base pas sur le concept de bullshit jobs évoqué plus haut. Vous remarquerez en effet que des métiers pourtant utiles au fonctionnement la société dans les faits n’empêchent pas que ses salariés puissent ressentir une perte de sens au travail.
Il apparaît alors qu’au-delà du concept d’utilité, c’est une notion de sens personnelle à l’individu et à ses valeurs qui peut être en jeu quand on parle de brown out. On comprend par exemple aisément qu’un cadre supérieur dans la finance ou les RH, obtenant une prime lorsqu’il fait des coupes budgétaires ou licencie à tour de bras, puisse trouver une dissonance de sens entre ses actions et ses valeurs.
De ce constat, plutôt qu’un classement rigide de métiers, il semble alors intéressant d’établir une liste des facteurs plus propices à une perte de sens du travail pour l’individu.
Ainsi, le sens du travail tend à être plus faible pour :
- les salariés qui ont connu au moins un important changement dans leur travail au cours des 12 derniers mois ;
- les salariés soumis à une gouvernance par les nombres (objectifs chiffrés) ;
- les salariés soumis à la standardification et datification du travail sous dominance financière.
Au contraire, le sens du travail tend à être plus fort pour :
- les cadres et salariés ayant une forte durée de travail ;
- les salariés peu diplômés ;
- les salariés des petits établissements (moins de 10 personnes) ;
- les fonctionnaires (par rapport au secteur privé) ;
- les fonctions de soin ;
- les salariés travaillant en contact avec le public.
La crise sanitaire, un terrain propice au brown out
Dire que la crise sanitaire a bouleversé le monde du travail revient aujourd’hui à enfoncer une porte ouverte. La pandémie, par l’adoption massive du télétravail, a en effet remis en question non seulement l’organisation du travail, mais aussi la vision de certains salariés sur leur poste . Le gain en qualité de vie observé par bon nombre de salariés en travaillant de chez eux, selon un rythme souvent plus flexible, les poussent en effet à questionner l’intérêt de leur retour en présentiel, du moins à 100%. Retour des contraintes de transport, perte d’efficacité avec les nuisances inhérentes à la vie de bureau… un retour au travail en présentiel mal géré peut alors mener à un véritable sentiment de perte de sens pour certains salariés qui se sentent contraints et forcés de quitter une organisation efficace et mieux adaptée à leur rythme de vie.
Comment reconnaître un cas de brown-out ?
Maintenant que vous avez saisi plus clairement ce qu’était le brown out ainsi que ce qui pouvait en être la cause, il est temps de savoir comment le reconnaître.
Un phénomène qui impacte visiblement l’entreprise
Le brown out est un phénomène visible dans l’entreprise. Il impacte en effet son activité. Qualifiés par certains comme « nouveau fléau de l’entreprise » et bien qu’il soit difficilement quantifiable, il participe à la hausse des taux d’absentéisme, et à la vague de démissions observée depuis quelques années. Une certitude renforcée par un chiffre édifiant : plus d’un salarié sur deux estimant que le sens au travail s’est dégradé.
Les symptômes à détecter
La perte de motivation est surement le symptôme numéro un du brown out. Procrastination, manque d’investissement, ennuie… le salarié ne manifeste pas d’intérêt pour ce qu’il fait et remet en question son orientation de carrière. Un absentéisme régulier peut aussi être un indicateur manifeste. En tant que collaborateur investi, un léger rhume ne l’aurait auparavant pas empêché de venir au travail en suivant son traitement. Totalement désengagé, le salarié multipliera les arrêts de travail au moindre pépin. Un véritable cercle vicieux puisqu’un salarié en brown out, et donc au moral fragilisé, aura plus tendance à tomber malade !
Le brown out peut ainsi principalement se manifester par les signes suivants :
- l’expression répétitive d’un sentiment d’absurdité ou d’inutilité ;
- la perte d’attention dans la réalisation des travaux ;
- la démotivation progressive marquée par une forme d’irritation ou d’apathie ;
- la remise en question professionnelle et personnelle ;
- la tentation de repli sur soi ;
- la multiplication des arrêts de travail.
Vous travaillez sans éprouver aucun intérêt pour ce que vous faites ? Vous ne prenez plus votre carrière en main car vous vous sentez bloqué et impuissant dans votre évolution professionnelle ? Votre vie privée commence à pâtir de votre démotivation au travail ? Il est surement temps de songer à des solutions car vous présentez des signes certains de brown out !
Quelles solutions face au brown out ?
Le manager, acteur clé de la prévention
Le premier rempart au brown out est bien souvent le manager. C’est en effet le plus souvent une organisation et communication dysfonctionnelles de l’entreprise qui sont responsables du désengagement du salarié. Le manager doit ainsi veiller à appliquer des bonnes pratiques pour créer des conditions de travail qui éviteront la perte de sens. Des compétences en management hybride ou en management à distance seront ainsi par exemple nécessaires pour prendre en compte une organisation nouvelle du travail, mélangeant présentiel et distanciel.
Ci-dessous quelques bonne pratiques clés à destination des managers pour éviter le brown out de leurs collaborateurs :
- expliquer et valoriser régulièrement les postes et les missions de chacun, en les recontextualisant dans le bon fonctionnement global de l’entreprise ;
- lutter contre l’installation d’une routine, en alternant par exemple les types et la durée des missions ;
- développer le management horizontal, le travail collaboratif et le partage d’informations ;
- veiller à ce qu’un projet soit achevé avant d’en lancer un autre afin de pouvoir marquer concrètement la réussite des actions de chacun et éviter le sentiment de dispersion ;
- mettre toujours en exergue les points de progression, les éléments concrets d’avancement des travaux dans les présentations et réunions ;
- revoir l’organisation et le timing des réunions pour les rendre plus efficaces, impliquantes et moins chronophages ;
- développer des temps de convivialité, les moments de respiration, les formations pratiques en petits groupes.
Faire le point sur ses valeurs pour agir contre le manque de sens
Si vous vous sentez personnellement concerné par le syndrome du brown out, attendre un changement rapide des pratiques managériales de votre entreprise vous semblera peut-être illusoire. Et vous aurez surement raison. Heureusement, il est également possible d’agir à votre propre niveau pour vous sortir de l’impasse.
Le brown out relevant d’une dissonance éthique, il est intéressant de de vous pencher sur vos propres valeurs et de les identifier pour espérer résoudre le problème. Plus facile à dire qu’à faire, mais des outils existent pour vous accompagner dans votre réflexion !
Le questionnaire des valeurs élaboré par le psychologue Shalom H. Schwartz peut par exemple vous aider à identifier vos priorités parmi 19 valeurs.
Une fois vos valeurs identifiées, vous pourrez alors continuer votre réflexion. Sont-elles en accord avec celles de votre entreprise ? Y trouvez-vous échos dans vos missions au quotidien ? Des changements seraient-ils envisageables pour y remédier si ce n’est pas le cas ?
Dans certains cas des ajustements sont possibles, mais pas toujours, soyons réalistes. Pour préserver votre santé et vous épanouir pleinement, il faudra alors envisager une solution plus radicale, changer d’emploi.
La reconversion, une solution pour réenchanter sa vie professionnelle
Démissionner n’est pas chose facile, surtout si vous bénéficiez en apparence d’une situation enviable. Votre famille et vos proches seront alors souvent critiques de votre choix : « pourquoi tout plaquer, tu as un boulot c’est déjà une chance ! ». Sauter le pas est pourtant essentiel dans certains cas quand le mal-être devient trop grand. Il est important de prendre soin de vous et de prendre votre courage à deux mains. Quitter son emploi pour trouver mieux n’est pas une mission impossible !
Il suffira parfois de trouver un poste similaire dans une autre entreprise pour remédier à la situation. En effet, une structure aux valeurs plus proches des vôtres et à l’organisation du travail qui vous convient mieux pourra faire toute la différence alors que vos missions restent comparables !
Dans d’autres cas, lorsque c’est l’essence même de votre travail que vous remettez en question, une reconversion sera la solution qui vous permettra de réenchanter votre vie professionnelle. Pensez au bilan de compétences ! Ce dernier vous permet d’identifier vos atouts, et ainsi d’établir les métiers qui seront les plus susceptibles de vous épanouir. En faisant le point sur vos forces et vos faiblesses, vous pourrez par ailleurs décider de monter en compétences sur certains domaines afin d’atteindre vos nouveaux objectifs. Ne restez pas seul dans l’impasse face au brown out, faites-vous accompagner d’experts pour identifier le chemin professionnel qui vous va le mieux !