RH 2.0

La loi Avenir est entré en application :
quel impact sur les RH ?

Pour permettre l’entrée en vigueur de la majorité des dispositions de la fameuse « loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel » du 1er janvier 2019, un grand nombre de décrets ont déjà été publiés en décembre 2018. Beaucoup d’entre eux touchent directement les professionnels RH : si nous pensons, bien sûr, à la quarantaine de textes centrés sur la réforme de l’apprentissage et de la formation, de nombreuses autres obligations ont aussi été mises en place, notamment en ce qui concerne l’égalité professionnelle homme/femme et la lutte contre le harcèlement sexuel… Pour vous éviter de passer à côté d’un point important, nous vous présentons les principaux impacts de la loi Avenir Professionnel sur le service des ressources humaines.

Loi Avenir et actions de formation : l’essentiel à savoir pour les DRH et les responsables formation

Le vent du renouveau souffle sur la politique formation des entreprises

La définition de l’action de formation a été revue « de façon à libérer l’innovation pédagogique, encourager les formations innovantes, simplifier la formation en situation de travail », comme le souhaitait Muriel Pénicaud, ministre du Travail.

Bonne nouvelle : en redéfinissant l’action de formation, la loi Avenir Professionnel permet d’intégrer de nouveaux formats d’apprentissage dans le plan de développement des compétences (nouveau nom du plan de formation). En élargissant le champ des possibilités, elle vous permet de proposer des actions de développement professionnel ou des actions formatives dans des formats plus adaptés :

  • aux besoins de votre entreprise ;
  • au profil d’apprentissage de chacun de vos collaborateurs. Un point très important pour faciliter leur montée en compétences !

Plus concrètement, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel redéfinit l’action de formation comme « un parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel« . Elle reconnaît désormais les actions de formation réalisées « tout ou partie à distance » et les actions de formation en situation de travail (AFEST).

Autant dire que tous les formats d’apprentissage – ou presque – peuvent être envisagés : MOOC et autres formations en digital learning (très pratiques pour former les salariés sans qu’ils aient besoin de s’éloigner de leur lieu de travail), tutorat, voyage apprenant… A deux conditions tout de même. Pour être validée, chaque action de formation doit :

  • avoir un objectif professionnel bien défini ;
  • s’appuyer sur un parcours pédagogique. Ce dernier permet d’assurer un vrai suivi du salarié durant sa formation et de vérifier que l’objectif a été atteint. Dans la mesure du possible, il est recommandé d’associer le salarié et son manager à la construction du parcours, en présentant les moyens employés pour atteindre l’objectif, les rendez-vous fixés pour évaluer l’avancée de l’action de formation etc.
Ci-dessus : les objectifs possibles pour une action de formation. Source : travail-emploi.gouv

Ci-dessus : les 4 grand types d’objectifs possibles pour une action de formation. Source : travail-emploi.gouv

NB : pour obtenir plus de détails sur le fonctionnement des actions des formations en tout ou partie à distance et des AFEST, nous vous invitons à consulter le décret n° n° 2018-1341 du 28 décembre 2018 sur Légifrance.

Ce qui change pour le CPF avec la loi Avenir Professionnel

En 2014, moins de 4% des salariés avaient mobilisé leur Compte Personnel de Formation pour développer leurs compétences… Pour le rendre plus « attractif », de nombreuses dispositions ont été prises par la loi Avenir Professionnel, parmi lesquels figurent notamment :

  • l’alimentation du CPF en euros plutôt qu’en heures, au rythme de 500 € par an pour un salarié « ayant effectué une durée de travail supérieure ou égale à la moitié de la durée légale ou conventionnelle de travail sur l’ensemble de l’année« , avec un montant plafond de 5 000 € . En revanche, le CPF est crédité de 800 € par an pour les « salariés non qualifiés et personnes handicapées accueillies en Esat« , avec un plafond de 8 000 € ;
  • la création d’une application numérique pour simplifier sa mobilisation, payer directement l’organisme de formation et trouver plus facilement les actions éligibles au CPF, dont celles inscrites au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP). Elles sont toutes regroupées sur une liste accessible depuis l’appli ;
  • l’élargissement du nombre d’acteurs autorisés à abonder le CPF. Outre le salarié, l’employeur et 12 autres acteurs (ex. : OPCO, collectivités territoriales) peuvent effectuer des abondements sous certaines conditions ;
  • la création d’un nouveau dispositif, nommé « congé de transition professionnelle » ou CTP, qui permet au salarié de mobiliser son CPF dans l’objectif de changer de métier. Il est en droit de suivre sa formation durant son temps de travail : normalement l’employeur ne peut pas refuser la demande du salarié s’il justifie de suffisamment d’ancienneté.
Source image : CPFformation

Source image : CPFformation

Retenez également que l’employeur ne doit plus se prononcer sur le choix de la formation éligible au CPF : en revanche, son accord est nécessaire pour le planning de l’action de formation si elle déroule durant le temps de travail.

Les obligations d’information durant l’entretien professionnel

La loi Avenir Professionnel maintient ou ajoute diverses obligations d’information pour les responsables des ressources humaines. Au cours de l’entretien professionnel, vous devez notamment expliquer à chaque salarié :

  • le fonctionnement de la VAE (Validation des Acquis de l’Expérience) ;
  • comment activer le CPF ;
  • les abondements au CPF que l’employeur peut éventuellement effectuer ;
  • le principe du Conseil en Evolution Professionnelle (CEP). Ce nouveau dispositif, assuré par les organismes habilités (Pôle Emploi, CAP Emploi, Apec, Mission locale), permet au salarié de faire le point sur sa situation et de bâtir un projet d’évolution professionnelle (ex. : reconversion).

La loi Avenir apporte aussi du nouveau du côté des accords collectifs

Selon cette loi, les accords collectifs peuvent désormais fixer, entre autres :

  • les actions de formation utiles à l’entreprise et pour lesquelles un abondement de l’employeur pourra être effectué en cas de mobilisation du CPF ;
  • le rythme des entretiens professionnels. Par défaut, ils sont prévus tous les 2 ans mais il est possible de fixer un délai plus long ou au contraire plus court selon le niveau de qualification des salariés par exemple. En revanche, il est obligatoire de faire un grand « état des lieux » tous les 6 ans ;
  • les actions de formation pouvant être réalisées partiellement ou entièrement hors temps de travail.

Pour aller plus loin : le métier de responsable formation doit évoluer

Compte tenu des nombreux changements apportés par la loi Avenir, le métier de RF doit être repensé. Il serait d’ailleurs peut-être plus juste de parler de « responsable de développement des compétences » à présent… Plus concrètement, vous serez sans doute amené à consacrer plus de temps à l’accompagnement de vos collaborateurs et à faire preuve de proactivité pour leur proposer des formations avantageuses pour l’entreprise en vous basant sur les possibilités offertes par le CPF. Vous devrez peut-être aussi participer aux négociations d’accords d’entreprise concernant les modalités d’abondement du CPF.

RH : les autres grands changements apportés par la loi Avenir et les zones de vigilance

L’égalité professionnelle homme/femme est mise en avant

Depuis le 1er janvier 2019, les entreprises sont tenues de rattraper les écarts salariaux entre les hommes et les femmes. Un point sur lequel il faut être particulièrement vigilant(e) car en cas de non-conformité au bout de 3 ans, l’entreprise risque une sanction pouvant atteindre 1% de la masse salariale…

La prévention du harcèlement sexuel

Avec les nouvelles obligations instaurées par la loi Avenir, les RH vont plus que jamais tenir un rôle essentiel dans l’identification et la prévention du harcèlement sexuel au sein de l’entreprise. Elles imposent notamment :

  • de nommer et former un référent – classiquement un responsable RH –  pour lutter contre le harcèlement sexuel pour les entreprises de plus de 250 salariés ;
  • d’informer les salarié(e)s sur leurs droits et les procédures civiles ou pénales possibles, de leur communiquer les coordonnées des autorités compétentes etc.

Bon à savoir : suite à l’entrée en vigueur de la loi Avenir Professionnel, l’ANDRH (association loi 1901) propose un livre blanc donnant des repères utiles aux RH soucieux de s’impliquer dans la prévention du harcèlement sexuel.

Source : ANDRH

Source : ANDRH

Les pouvoirs de l’inspection du travail sont renforcés

Le renforcement des sanctions prévues en cas de manquement à la loi et l’élargissement des moyens mis à disposition de l’inspection du travail imposent la plus grande vigilance. Nous attirons particulièrement votre attention sur :

  • le nouveau droit de communication accordé à l’inspection du travail, permettant à ses agents « d’obtenir, au cours de leurs visites, communication de tout document comptable ou professionnel ou tout autre élément d’information, propres à faciliter l’accomplissement de leur mission » d’après l’article L8113-5-1 du Code du Travail. Il est impossible d’invoquer le secret professionnel pour leur refuser l’accès à un document et ils ont également droit de le copier s’ils en ont besoin ;
  • l’assimilation de la fraude à l’établissement à du travail dissimulé. Sachant que cette nouvelle infraction au Code du Travail concerne notamment les personnes s’étant prévalues abusivement « des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l’employeur de ces derniers exerce dans l’État sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue« . En d’autres termes, l’employeur est accusé d’avoir eu recours aux règles du détachement alors qu’il aurait dû appliquer celles du Code du Travail classiques : la loi Avenir Professionnel indique clairement que seuls les salariés travaillant habituellement en-dehors du territoire national peuvent désormais être considérés comme des salariés détachés ;
  • la possibilité d’ordonner un arrêt d’activité provisoire en cas de situation de travail illégal. Cet arrêt peut être prononcé même si l’entreprise exerce son activité en-dehors de son siège ou d’un de ses autres établissements.

 L’obligation d’employer des salariés handicapés fixée pour 2020

Enfin, retenez que la loi Avenir Professionnel a fixé, depuis le 1er janvier 2020, l’obligation :

  • de déclarer tous les travailleurs handicapés, quelles que soient la taille de l’entreprise et la nature exacte du contrat (ex. : CDI, intérim, stage) ;
  • d’employer des travailleurs handicapés pour toutes les entreprises comptant au moins 20 salariés. Le taux d’emploi reste fixé à 6% mais il est révisable tous les 5 ans. De plus, l’emploi direct sera privilégié : les contrats indirects passés avec des Entreprises Adaptées (EA) par exemple, ne seront plus comptabilisés dans les 6% ;
  • de nommer un référent handicap pour les entreprises de plus de 250 salariés.

Et après ?

En 2020, de nouveaux opérateurs de compétence entreront en activité à condition qu’ils aient déposé leurs dossiers avant le 1er juin 2019. Ils aurons une mission beaucoup plus transversale en étant en charge du suivi qualitatif de la formation. Et au 1er janvier 2021, ce sera désormais à l’URSSAF de collecter les cotisations des entreprises à la place de OPCO et les prestataires de formation devront être certifiés par France Compétences, signant la fin du Datadock.

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