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Silent treatment en entreprise : que faire face à cette violence psychologique ?

Pourquoi et comment lutter contre le silent treatment en entreprise

Si on entend beaucoup parler de la lutte contre le harcèlement au travail, il ne faut pas non plus négliger le silent treatment en entreprise. Particulièrement insidieuse, cette « punition par le silence » entraîne une forte souffrance psychologique chez les personnes qui en sont victimes. Voire pire, quand la situation s’éternise ou se répète régulièrement… Mais en quoi consiste le silent treatment exactement ? Comment le repérer au sein de votre entreprise ? Et surtout, comment le combattre ? Nous répondons à toutes vos questions pour vous aider à réduire les risques psychosociaux et à maintenir une saine ambiance de travail.

Le silent treatment en entreprise, c’est quoi ?

Absence de communication verbale. Refus de contact visuel. Aucune réponse accordée aux mails ou aux textos. C’est ça, le « traitement silencieux » en entreprise : un véritable ostracisme dont la victime sort rarement indemne.

Le silent treatment est une forme de manipulation qui provoque de l'anxiété chez la victime.

Il est vrai qu’on est loin du harcèlement « classique » : il n’y a ni insultes, ni violences physiques. Et encore moins de gestes déplacés ou d’attouchements ! C’est pourquoi le silent treatment est parfois pris à la légère en entreprise. Pourtant, il s’agit d’une véritable violence psychologique, dont les méfaits ont même fait l’objet d’études.

En 2012 notamment, l’une d’elles a révélé que le traitement silencieux stimule le cortex cingulaire antérieur. La zone du cerveau qui – comme tout le monde le sait 😉 – enregistre la sensation de douleur.

« En réalité, les gens pensent que le fait d’être mis à l’écart est moins douloureux psychologiquement que le harcèlement. Mais c’est le contraire ! L’ostracisme est tout aussi nocif, voire plus, que le harcèlement. Des recherches en neurosciences ont montré que l’expérience de l’ostracisme crée dans le cerveau un schéma qui imite l’expérience de la douleur physique. »

Source : Jane O’Reilly, professeure en Comportement organisationnel et Ressources Humaines à l’Université d’Ottawa, dans une interview pour Welcome to The Jungle concernant le silent treatment en entreprise

Il se passe quoi dans la tête de la personne qui inflige un silent treatment à quelqu’un ?

Soyons clairs : on est très loin d’une petite bouderie. Ou même d’une simple envie d’éviter au maximum un collègue qu’on ne supporte pas ! Le silent treatment est véritablement lié à l’envie de punir quelqu’un, de se venger de lui pour une raison ou pour une autre. En d’autres termes : la personne qui l’inflige sait parfaitement que son comportement entraîne de la souffrance psychologique. C’est exactement ce qu’elle recherche. C’est d’ailleurs pourquoi certains auteurs n’hésitent pas à comparer le silent treatment en entreprise à de la torture mentale.

Est-ce que la personne qui l’inflige ressent un peu de culpabilité ? En règle générale, non. Elle estime qu’elle est dans son bon droit. Elle se délecte même des efforts que fait sa victime pour renouer la communication avec elle. Pourtant, les causes de cette « vendetta silencieuse » sont souvent bien légères. En effet, chez les plus susceptibles, une simple remarque malheureuse (ex. : « Tu ne portais pas déjà la même cravate hier ? », « Attention, tu ne vas plus rentrer dans ton jean si tu reprends du dessert ») peut entraîner de looooooooongs mois de silent treatment en représailles…

Quand cela va-t-il finir ? Nul ne peut le prédire. Mais un beau jour, cette personne estime que la punition a assez duré, et retrouve un comportement normal. Jusqu’à la prochaine « crise »…

Et dans la tête d’une victime de silent treatment ?

Au début, elle oscille généralement entre stupeur et incompréhension : elle aimerait savoir pourquoi elle subit un tel traitement tout à coup et espère que tout retournera rapidement à la normale. Elle va d’ailleurs faire tout son possible pour arranger les choses et renouer la communication avec la personne qui l’ignore : lui amener un café, effectuer une tâche à sa place, essayer de lui parler régulièrement… Mais ses tentatives resteront vaines.

A force, elle peut développer un véritable sentiment de culpabilité et s’auto-dénigrer. Après tout, elle a dû faire quelque chose de très grave sans même sans rendre compte, pour être rejetée de la sorte. Non ? Mais elle a beau repasser les événements des derniers jours dans sa tête, elle n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Au final, elle peut en arriver à présenter des excuses pour des choses qu’elle n’a même pas commises, dans l’espoir que cela arrangera la situation !

Bref : elle subit effectivement une sorte de torture mentale, qui va générer un stress et un mal-être intense sur son lieu de travail. Avec les conséquences que cela implique sur la santé du salarié (ex. : maux de tête, maux de ventre, etc.). Plus la situation perdurera, plus son état s’aggravera. Dans certains cas, cela peut aller jusqu’à déclencher une dépression, malheureusement.

Le silent treatment en entreprise est une cause possible de dépression.
Les symptômes de la dépression. Source : prévention dépression

Pourquoi faut-il lutter activement contre le silent treatment en entreprise ?

Tout d’abord, parce qu’il en va du bien-être et de la santé de vos salariés. Est-il vraiment besoin de rappeler que les entreprises sont tenues de veiller sur la QVCT (Qualité de Vie et des Conditions de Travail) ? Et de lutter activement contre les risques psychosociaux au sein de leur établissement ? Le gouvernement a même fait de la santé mentale sa grande cause nationale, en 2025 ! Quand on voit les effets délétères qu’une « punition silencieuse » peut avoir sur leur santé mentale et physique, il n’y a pas à hésiter : la lutte contre le silent treatment fait partie de la prévention des risques psychosociaux, au même titre que la lutte contre le harcèlement.

De plus, retenez que le silent treatment peut aussi impacter plus ou moins durement la bonne marche de l’entreprise. D’une part, parce que le salarié qui en est victime n’est pas au mieux de sa forme. Etant continuellement soumis au stress, il peut multiplier les erreurs dans le cadre de son travail… De même que les arrêts maladie plus ou moins longs.

D’autre part, parce que son « bourreau » peut très bien lui cacher volontairement des informations importantes, au sujet de la mission X ou du contrat Y, pour le mettre en difficulté.

Il ne pense pas aux conséquences pour l’entreprise ?

Faire de la rétention d’informations, cela semble un peu extrême. Et pourtant, ce phénomène a déjà été observé plusieurs fois. Parfois, « l’abuseur » ne réalise pas vraiment les implications pour son entreprise. Dans d’autres cas en revanche, il en a parfaitement conscience et va même jusqu’à s’en réjouir. Le docteur Rahman Khan, co-auteur d’une étude menée sur les incivilités au travail par l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), a d’ailleurs une explication sur ce phénomène.

« D’après nos conclusions, les employés victimes d’incivilités se vengent non seulement de leurs collègues, mais aussi de leur entreprise. Ils considèrent que leur boîte a sa part de responsabilité dans leur mal-être. Souvent, ils nuisent intentionnellement à l’organisation en brouillant la communication au sein de l’équipe, ce qui empêche son bon fonctionnement. »

Source : docteur Rahman Khan, dans une interview pour Welcome to The Jungle concernant le silent treatment en entreprise

Bref : on ne s’en méfie pas assez, mais le silent treatment est vraiment un comportement déviant, pouvant impacter la bonne marche de l’entreprise tout comme la santé des salariés qui en sont victimes. Hors de question, donc, d’attendre que la situation se calme d’elle-même. En tant que manager ou professionnel des ressources humaines, votre devoir est d’intervenir rapidement.

N'hésitez pas à intervenir pour mettre fin au silent treatment.

Comment repérer un cas de « punition silencieuse » ?

Force est de le reconnaître, les managers de proximité ont plus de facilités sur ce point : ils peuvent constater de visu que Serge n’adresse plus du tout la parole à Peter depuis des jours, alors qu’ils sont pourtant voisins de bureau, par exemple. Dans le même ordre d’idées, ils peuvent remarquer que Serge cesse brusquement de parler près de la machine à café lorsque Peter arrive, qu’il évite manifestement de le regarder, qu’il ne prend également plus la parole en réunion – parce que Peter n’a plus le droit d’entendre le son de sa voix, etc. En d’autres termes, l’ambiance est tellement glaciale entre eux qu’il est bien difficile de passer à côté quand on les côtoie régulièrement.

Cela étant dit, d’autres signaux peuvent également mettre la puce à l’oreille. Comme le fait que Peter :

  • multiplie les arrêts maladie de courte durée ces derniers temps ;
  • n’est plus aussi performant que d’habitude ;
  • semble moins motivé par son travail (ex.: il ne prend plus d’initiative) ;
  • est plus irritable que d’habitude ;
  • utilise souvent des expressions négatives et s’auto-dénigre à la moindre occasion (ex. : « Je suis nul »), etc.

Tout cela indique une vive souffrance psychologique, voire même une dépression. Face à ces symptômes, il faut toujours mener l’enquête pour cerner l’origine du problème !

Les signaux de mal-être chez un salarié doivent toujours être pris au sérieux.

Comment résoudre un cas de silent treatment ?

Techniquement, vous pouvez très bien essayer de discuter directement avec la personne responsable, en lui expliquant que son attitude est nocive pour son collaborateur et pour l’entreprise. Mais le plus simple – et le plus efficace – serait sans doute de faire directement appel à un professionnel. Comme un psychologue du travail par exemple. Ou encore un coach relationnel. Cela permettra :

  • à la victime, de comprendre qu’elle ne méritait pas réellement d’être traitée ainsi et de reprendre confiance en elle ;
  • au responsable, de comprendre pourquoi il a réagi ainsi, de prendre conscience que ce comportement est intolérable et d’obtenir des pistes pour communiquer sainement, la prochaine fois qu’il se sentira offensé pour une raison ou une autre.

Généralement, cela suffit à résoudre le problème, même s’il faut un peu de temps pour bien aplanir la situation.

Enfin, selon l’ampleur du préjudice, des sanctions disciplinaires peuvent également être envisagées. A plus forte raison si le responsable refuse de reconnaître ses torts et de faire le moindre effort pour améliorer les choses.

Et côté prévention ?

Vous voulez tout mettre en place pour prévenir le silent treatment au sein de votre entreprise ? Sage décision ! Pour y parvenir, le plus simple est de vous inspirer des mesures de prévention contre le harcèlement au travail. Vous pouvez donc :

  • établir une charte claire des comportements attendus, en précisant que l’exclusion volontaire ou l’ostracisme sont des comportements inacceptables au même titre que le harcèlement. Profitez-en aussi pour indiquer les sanctions possibles ;
  • informer vos salariés sur le silent treatment, les manières de le reconnaître et les personnes (ex. : RH, manager) à contacter en cas de besoin ;
  • mettre en place des canaux de signalement sécurisés et confidentiels (ex. : ligne téléphonique interne) afin que les victimes puissent alerter sans crainte ;
  • prévoir un accompagnement via le médecin du travail, un psychologue, un coach ou un programme d’aide aux employés pour limiter l’impact psychologique ;
  • encourager une culture du dialogue, en instaurant des points réguliers pour favoriser l’expression des désaccords sans peur des représailles ;
  • former vos équipes à la communication non violente et à la gestion des conflits, pour limiter les comportements toxiques ;
  • évaluer régulièrement le climat social via des enquêtes internes, un baromètre QVCT ou des entretiens anonymes pour détecter d’éventuelles tensions silencieuses.

En complément, vous pouvez également envisager :

Bien entendu, n’hésitez pas à faire appel aux différents dispositifs de financement (ex. : aides régionales, CPF) existants pour couvrir les frais de formation !

Enfin, vous pouvez également poser vos questions à nos conseillers, si vous souhaitez vous former ou faire monter en compétences l’un de vos collaborateurs, pour le bien de votre entreprise !

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